Le parcours singulier de Fatima Amkar, originaire de Zaouiat Ahansal, résume en fait l'histoire d'une militante infatigable qui a consacré sa vie à la cause des femmes rurales. Son ambition est de libérer leurs potentiels et leurs énergies créatives, encourager leur émancipation économique, et les extirper d’un destin incertain auquel la pauvreté et l'ignorance les prédisposent fatalement.
Les premiers éléments ayant forgé la conscience de cette jeune trentenaire sur la question de la femme rurale, ce sont les images qui se sont greffées dans sa mémoire dès sa tendre enfance, celles de jeunes filles de 15 ou 16 ans, conduites malgré elles, impuissantes, à la prison conjugale en raison de la dèche qui étouffe leurs familles.
Fatima était excédée par la manière dont ces jeunes femmes étaient condamnées par les conditions naturelles et climatiques à subir la misère, privées du droit de poursuivre leurs études à cause d’une mentalité masculine rétrograde qui voit la femme comme un simple objet.
"Mon destin aurait pu prendre la même direction si je n'avais pas eu la chance d’avoir un père ouvert qui travaille dans le secteur du tourisme de montagnes et qui m'a beaucoup aidé pour que je puisse terminer mes études universitaires, malgré les conditions très difficiles auxquelles nous étions confrontés", a indiqué Fatima dans une interview à la MAP.
S’étant engagée dès son jeune âge dans le travail associatif, Fatima est convaincue que les femmes rurales en général et celles issues de Zaouiat Ahansal en particulier possèdent des énergies créatives et sont capables de s’affirmer dans le monde du travail à l’instar des hommes si on leur donne tout simplement l’occasion de le faire.
Fatima est animée par une grande ambition et une forte volonté de défendre une cause en laquelle elle croit si fermement, celle d’intégrer et impliquer les femmes dans un processus productif et de développement en vue de leur épargner un sombre avenir et les affranchir d'un système social et de valeurs qui hypothèque leurs forces et énergies créatives.
C'est ainsi qu'elle a créé une coopérative féminine des plantes médicinales et aromatiques à Zaouiat Ahansal qui a, en peu de temps, attiré 122 femmes auxquelles s’est offerte une nouvelle vie où elles jouissent de l’estime et de l’autonomie financière et contribuent à la dynamique économique de la région.
Avec la même détermination, elle a créé en compagnie d’autres jeunes et avec le soutien de l’Initiative nationale pour le développement humain, "la maison du safran" à Azilal, dans l’objectif d’intégrer ce produit dans les circuits modernes de distribution, réaffirmant ainsi son engagement profond en faveur de l’émancipation de la femme rurale et de son autonomie financière.
Cette expérience a constitué un nouveau jalon sur la voie de l'instauration d'un développement intégré au profit des femmes rurales qui s’activent au sein de 44 coopératives de la province d’Azilal, eu égard à sa contribution indéniable à l’amélioration de l’organisation et de la façon de faire de ces entités et compte tenu de son apport grandissant en matière de création d’emplois et d’inclusion économique et sociale de leurs membres.
Ces projets, a expliqué Fatima, ont transformé Zaouiat Ahansal, d'un village qui reçoit les aides sociales et qui vit dans la rareté, en un centre productif de richesses où l’on commercialise des produits locaux tels que les graines, le safran et les plantes médicinales et aromatiques, et où l’on crée des emplois au profit des femmes rurales.
L'ambition de Fatima, titulaire d'une maîtrise en littérature espagnole, d'une licence professionnelle en ingénierie touristique et d'un master en développement durable et tourisme, ne s'est pas arrêtée à ce stade enchaînant les succès et poursuivant sur son élan qui l'a conduit à diriger en 2019 le "Géoparc du M’Goun", d’une superficie de 5.700 kilomètres carrés, qui compte plus de 60 sites géologiques et touristiques et est classé patrimoine mondial de l'UNESCO.
Ce poste, qui exige de grandes compétences académiques et pratiques, lui a permis de prouver, à travers elle, le mérite des femmes et leurs aptitudes à assumer des hautes fonctions, grâce à son expérience managériale et ses qualifications universitaires et son savoir-faire dans le domaine associatif et coopératif.
En plus de la préservation du patrimoine matériel et immatériel de cet espace naturel, Fatima, en tant que première responsable de cette richesse inestimable, a tenu à faire de ce site, un grand projet au service de la population, en promouvant plusieurs activités génératrices de revenus et en accompagnant les différents acteurs et professionnels des secteurs du tourisme, de l'économie sociale et solidaire et en encourageant les partenariats visant à restaurer et à valoriser les sites historiques de la région.
Fatima va illustrer encore une fois cet engagement et cette implication dans le processus de promotion de la condition de la femme, en assumant la fonction de coordination avec une organisation espagnole au sujet d’un projet baptisé "Tasawet", qui a été mis en place dans la vallée portant le même nom et grâce auquel des partenariats ont été mis en place avec des collectivités locales pour approvisionner 33 Douar en eau potable et promouvoir l’enseignement en milieu rural à travers la construction de salles de cours dans la communauté d'Aït Oumlil outre le renforcement des capacité des centres de santé et des maisons d’accouchement dans cette zone enclavée en vue de réduire le nombre des mortalités infantiles et maternelles.
Par son parcours exceptionnel, cette militante associative aux grandes ambitions a pu changer la perception des hommes de son village sur la femme rurale qu’ils considèrent aujourd’hui comme un acteur agissant aussi bien au sein du ménage que dans la société. Elle a également bousculé les mentalités et était derrière la prise de conscience de l’importance de l’éducation des femmes et de l’implication de celles-ci dans le travail associatif et coopératif.
Militante d’exception, Fatima voit en la célébration, le huit mars de chaque année, de la Journée internationale des femmes, une occasion pour rendre hommage aux efforts de la gent féminine dans les communes rurales montagneuses d’Azilal afin de consacrer les valeurs d’équité et d’égalité des chances, réduire les disparités sociales et territoriales et libérer les énergies créatives des femmes.