Certes, Biden plus porté sur la diplomatie, mise davantage sur le multilatéralisme. Il tente de faire front commun avec les amis et alliés pour restaurer l'influence et le leadership des Etats-Unis mis à mal, selon lui, par l'isolationnisme inédit de son prédécesseur. Les dernières sanctions coordonnées contre le géant asiatique témoignent de cette stratégie. Nullement dissuadé, Pékin a immédiatement réagi par des représailles du même ordre.
Les sanctions chinoises sont intervenues quelques jours après que les États-Unis, le Canada, la Grande-Bretagne et l'Union européenne aient décrété des mesures punitives contre des responsables chinois, les accusant de violations des droits de l'homme au Xinjiang.
A Washington, la stratégie d'affrontement et le discours musclé envers Pékin, qui faisait la particularité du style de Trump, ne semblent pas non plus trop changer sous la nouvelle administration.
Dès son premier discours de politique étrangère, fin février, Joe Biden a donné le ton. Il a appelé l'Union européenne à se tenir prête à "une compétition stratégique de longue haleine" avec la Chine.
Confirmant cette grande rivalité sino-américaine, il a déclaré que "la Chine a un objectif global ... de devenir le premier pays du monde, le pays le plus riche du monde et le pays le plus puissant du monde", avant d'assurer que "cela ne se produira pas sous (sa) direction car les États-Unis vont continuer de croître."
Aux plans sécuritaire, diplomatique ou économique et technologique, le nouveau locataire de la Maison Blanche veut jouer à fond la carte des alliances pour contrebalancer le poids de la Chine qui gagne rapidement du terrain.
En Asie, il a réactivé l'alliance, jusque-là gelée, des pays du "Quad". Ce groupement réunissant outre les Etats-Unis, l'Australie, le Japon et l'Inde, a clairement affiché ses ambitions de contenir la montée en puissance militaire et économique de la Chine dans la région indo-pacifique et au-delà.
En ces temps de crise sanitaire, le Quad veut aussi freiner la "diplomatie vaccinale" active de Pékin, à travers une action conjointe pour produire, d'ici l'an prochain, un milliard de vaccins anti-Covid-19 en Inde.
"Nous lançons un nouveau partenariat ambitieux pour doper la production de vaccins, au bénéfice du monde entier et notamment des vaccinations dans toute la région indo-pacifique", a promis Joe Biden.
Plus ambitieux encore dans cette compétition stratégique, le 46ème président des Etats-Unis espère restaurer le leadership américain en proposant un plan d'infrastructures rival au projet phare du président chinois, Xi Jinping, "la Ceinture et la route". Lancée en 2013, l'initiative inspirée par l’ancienne Route de la soie, vise à mettre en place une plateforme pour une vaste coopération dans le développement économique, le commerce, la collaboration financière, les projets sociaux et culturels s'étendant de l'Asie, en Europe et en Afrique.
"J'ai suggéré que nous devrions avoir, essentiellement, une initiative similaire, tirant des États démocratiques, aidant les communautés du monde entier qui, en fait, ont besoin d'aide", a-t-il déclaré à l'issue d'un appel téléphonique avec le Premier ministre britannique Boris Johnson.
Sur la sécurité, le commerce ou les droits de l'Homme, le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, confirme la ferme certitude de la nouvelle administration que la Chine pose le "plus grand défi" aux États-Unis. Cette conviction est d'ailleurs partagée à droite et à gauche de l'échiquier politique à Washington.
Superpuissance rivale, la Chine reste néanmoins le premier partenaire commercial des États-Unis. Au-delà de la rivalité, les deux géants sont condamnés à coopérer, notamment sur le climat, un domaine clé pour l'actuel locataire de la Maison Blanche.
Il a d'ailleurs invité le président chinois Xi Jinping, parmi d'autres dirigeants, à son sommet virtuel sur le climat les 22 et 23 avril avec l'objectif de consolider les efforts de lutte contre le réchauffement climatique.
L'autre domaine prioritaire où d'aucuns jugent indispensable aujourd'hui une coopération étroite entre les deux géants porte sur la lutte contre la pandémie de coronavirus et ses effets ravageurs.
Même si les deux pays sont confrontés à des difficultés dans d'autres domaines de leur relation bilatérale, la collaboration face au COVID-19 "peut aider à baliser le terrain pour aborder d'autres problèmes d'ordre global, notamment le changement climatique et la non-prolifération nucléaire", estiment les experts Cheng Li et Ryan McElveen du prestigieux centre de réflexion Brookings de Washington.
Pour eux, "le COVID-19 ne sera pas la dernière pandémie ni la dernière crise mondiale, et les États-Unis et la Chine peuvent profiter de cette opportunité pour renforcer la confiance et la capacité de relever d'autres défis".
Il faut dire que de l'avis du secrétaire d'Etat américain, lui-même, "il y a clairement des aspects de plus en plus contradictoires dans la relation (entre les deux pays). Il y a certainement des aspects compétitifs. Il y a aussi des volets de coopération".
Mais, pour lui, "le dénominateur commun est la nécessité d’aborder la Chine en position de force".
Pour sortir de cette logique de confrontation, les deux chercheurs de Brookings sont convaincus que même si la concurrence devrait être la caractéristique déterminante de la relation bilatérale, elle implique aussi que Washington cherche avec Pékin plutôt "une coopération où les intérêts des deux nations se croisent".