L’année qui s’achève a démarré sous de mauvais auspices, avec une récession économique après deux trimestres consécutifs de croissance négative. Plus grave, dès les premiers mois, les espoirs suscités par l’arrivée au pouvoir de Cyril Ramaphosa en 2018 dans le sillage du limogeage de son prédécesseur Jacob Zuma, se sont estompés, cédant devant une réalité amère, celle de l’aggravation du ralentissement économique avec son lot en termes de hausse continue du chômage et de la pauvreté.
Dans les rangs des commentateurs, on parlait déjà de la fin de la Ramaphorie, le sentiment d’euphorie qui avait envahi les Sud-Africains après le départ de Zuma, éclaboussé dans de nombreux scandales politico-financiers et l’arrivée aux commandes de Ramaphosa, l’homme que l’icône Nelson Mandela considérait comme son dauphin et successeur.
Le coup de grâce est tombé en octobre dernier quand le ministre des Finances, Tito Mboweni, a présenté au parlement le budget de son gouvernement. Le constat est sans appel. L’Afrique du Sud est bel et bien dans une situation périlleuse avec pratiquement tous les indices au rouge.
Dans une analyse qualifiée de réaliste, l’argentier du pays arc-en-ciel a énuméré les difficultés dans lesquelles les finances publiques s’empêtrent, menaçant d’aggraver davantage les déficits sociaux.
Les recettes publiques ne devraient plus représenter que 1,53 trillion de rands en 2019/2020 contre un montant de R1.67 trillion, projeté en février dernier, soit 52,5 milliards de moins. De même, le déficit budgétaire a atteint 5,9 pc du Produit Intérieur Brut (PIB), au moment où la dette brute a atteint un record de 3,367 milliards de rands, ce qui représente 60,8 pc du PIB. Pire encore, le PIB du pays ne devrait augmenter que d’environ 0,5 pc en 2019.
Avec une telle croissance terriblement fragilisée, les revenus fiscaux devront continuer à reculer, sapant les efforts du gouvernement visant à réaliser les objectifs socio-économiques fixés, notamment la réduction du chômage.
Ce fléau a augmenté au deuxième trimestre de l’année en cours à 29,1 pc de la population active, soit le niveau le plus élevé depuis la crise financière internationale de 2008, selon les données du département gouvernemental de la statistique.
La détérioration continue de la situation fiscale de l’Afrique du Sud est le résultat du manque d’une volonté politique de faire sortir le pays de sa léthargie, estiment les analystes.
Sur le plan politique, le Congrès National Africain (ANC, au pouvoir) a pu conserver le pouvoir à l’issue d’élections générales tenues en mai dernier. Cependant le score réalisé lors de ce scrutin ouvre la porte à de sérieuses interrogations au sujet de l’usure qui semble s’emparer de cette formation emblématique mais incapable de se libérer de ses idéologies révolues pour embrasser les espoirs des nouvelles générations de Sud-Africains nés dans l’ère de l’émancipation et de la liberté.
L’ANC n’a pas pu faire mieux que 57,51 pc, soit la plus mauvaise performance du parti depuis les premières élections multiraciales, organisées dans le pays en 1994 peu après la fin du régime de l’apartheid.
Cette victoire, même si elle a donné un mandat politique clair au président Ramaphosa, n’a pas été suffisante pour dissiper l’incertitude qui perturbe les perspectives du pays.
Quelques mois seulement après ces élections, on parle déjà de tentatives persistantes au sein de l’ANC de renverser Ramaphosa de son fauteuil de leader du parti.
Sur un autre registre, l’année 2019 a été celle du retour des meurtrières violences xénophobes dirigées contre les ressortissants de pays d’Afrique subsaharienne.
Ces violences qui ont eu lieu principalement à Johannesburg et Pretoria, ont fait plus de 12 morts, selon les autorités sud-africaines. Attribuées généralement à ce sentiment des Sud-Africains que les Subsahariens leur «volent» des emplois devenus de plus en plus rares dans un pays en crise, les violences xénophobes ont suscité une large vague d’indignation dans plusieurs coins de l’Afrique, illustrant l’isolement continu du pays arc-en-ciel dans le continent.
En somme, les difficultés rencontrées par le pays en 2019 semblent mettre le pays dans une position intenable avec des résultats qui commencent déjà à se dessiner dans l’horizon.
Sur le plan politique on parle déjà d’intensification de la gronde contre Ramaphosa au sein de l’ANC, où les ténors du parti devront essayer, durant les mois qui viennent, d’être plus virulents dans leurs critiques contre le locataire de l’Union Buildings, quartier général du gouvernement à Pretoria.
Sur le registre économique, le pays, avec la croissance négative enregistrée au troisième trimestre de 2019, semble bien parti vers une nouvelle récession et, partant, une dégradation périlleuse de sa note souveraine par Moody’s, la seule agence internationale qui maintient toujours l’Afrique du Sud à un point seulement de la catégorie spéculative.
Une telle dégradation est synonyme de catastrophe pour un pays en crise. Dans la foulée, les analystes prévoient, une dégringolade sans précédent de la devise sud-africaine, le rand, sous le coup de l’inflation et de la hausse de la dette publique.
Les déconvenues cumulées tout au long de l’année 2019 laissent la porte bien ouverte à tous les scénarios, y compris une descente du pays de Mandela dans un déclin qui rappelle celui du Zimbabwe voisin.