Ces débats juridiques, qui ont comme toile de fond la protection des droits et de l'avenir de ces jeunes filles, tournent autour des dispositions de la Charia, des limites l'arsenal législatif national et de la nécessité d'harmoniser la loi marocaine avec les conventions et les accords internationaux.
A cet égard, le président du tribunal de première instance des affaires sociales de Casablanca, Mahmoud Rachid, a affirmé que le mariage des mineurs à Casablanca a connu durant les neuf premiers mois de l'année en cours un recul notable, précisant que cela est attribué à plusieurs facteurs, notamment la prise de conscience au sein de la société, les intenses campagnes de sensibilisation à cet effet et les actions menées par la société civile et les militants des droits de l’homme.
Dans un entretien à la MAP, il a rappelé que, jusqu'à fin septembre, 273 demandes ont été enregistrées, dont 51 seulement ont été acceptées, et 149 demandes ont été rejetées, et les autres demandes sont encore au stade d'instruction et de recherche sociale, précisant qu'après l'expertise et la recherche sociale, le prononcé de la décision ne dépasse pas une semaine, tout en ajoutant qu'en 2019, le tribunal de première instance des affaires sociales de la capitale économique a reçu 709 demandes, dont 252 ont été entérinées et les autres demandes rejetées.
S'agissant du traitement des demandes de mariage des mineures, le juge prend en considération l’intérêt suprême des jeunes filles et joue ainsi le rôle d’éducateur, de sociologue et de psychologue, le but étant de faire primer leur intérêt et préserver pleinement leurs droits, a-t-il ajouté.
Le juge a également précisé que le tribunal accorde une grande importance à ce genre de demandes et l’autorisation est soumise à des conditions rigoureuses, en prenant en compte, en premier lieu, l’intérêt de la mineure et en enquêtant sur la situation sociale et matérielle du demandeur, ainsi que sa compatibilité d’âge avec la future mariée.
Pour sa part, le président du bureau régional de l'Association marocaine pour l'éducation de la jeunesse dans la région de Casablanca-Settat (Amej), Hafid Jaâ, a indiqué que l'association a exprimé "sa grande déception" face à l'évolution du mariage des filles mineures au niveau régional, notant que certaines parties justifient ce phénomène notamment par les faibles moyens dont disposent les familles ou par le besoin de garantir à la fille mineure son avenir à travers le mariage.
Rappelant les conclusions de l'étude nationale sur le mariage des mineures, réalisée par un collectif d'associations, il a indiqué que le mariage de mineures dans la région a augmenté de 19,86 pc d'après les statistiques du ministère de la Justice, précisant que le nombre des demandes de mariage de mineures qui ont été acceptées s'élève à environ 319.177 entre 2009 et 2018.
Et d'ajouter que cette hausse est due notamment "à la pauvreté, à la déperdition scolaire et à l'ignorance de certaines familles qui considèrent le mariage d'une fille mineure comme une source de revenu et d'ascension sociale".
M. Jaâ, également avocat au barreau de Casablanca, a souligné que parmi les bases juridiques avancées pour justifier le mariage des mineures figure notamment l'article 20 du Code de la famille considéré comme "une faille juridique utilisée de manière abusive".
En l'absence d'une stratégie globale à même de limiter ce phénomène particulièrement dans les zones rurales, l'association et les organisations de défense des droits de l'homme demandent l'annulation de l'article 20 du Code de la famille, qui donne au juge le droit d'autoriser le mariage des mineurs, outre l'organisation de campagnes de sensibilisation dans la perspective de réduire le nombre de ces mariages.
Réalisée par l’association "Droits et Justice" avec le soutien du Centre danois pour la recherche et l’information sur le genre, l’égalité et la diversité (KVINFO), l'étude nationale sur le mariage des mineures indique que le taux du mariage coutumier à "la Fatiha" représente 10,79 pc des cas recensés, relevant que malgré les efforts du gouvernement, le mariage coutumier se poursuit à un pourcentage élevé au niveau national avec 13 pc des mariages dans les zones rurales, contre 6,6 pc dans les zones urbaines.